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La malédiction de la connaissance dans l’apprentissage

De quelle malédiction parle-t-on ?

Dans le domaine de la photographie savez-vous ce que ‘bracketter’ signifie ? Non ? C’est une technique qui permet, grâce à votre boîtier, de prendre la même photo à plusieurs expositions différentes. L’objectif est de regrouper en post-traitement les photos pour n’en faire qu’une seule et obtenir un effet HDR. Si vous ne le saviez pas lors de votre séance d’initiation à l’effet HDR et que le photographe vous explique qu’il vous faut ‘bracketter’ pour obtenir cet effet, vous risquez vite de vous sentir dépassé par le contenu pédagogique. Et qui ne le serait pas?

En tant que formateurs nous sommes bien souvent confrontés à la malédiction de la connaissance. En effet, nous partons du biais cognitif que les apprenants vont tout comprendre et mémoriser de notre expertise transmise. En d’autres termes ce biais cognitif survient lorsqu’une personne communique avec d’autres personnes, et suppose inconsciemment que les autres peuvent comprendre tout ce qu’on leur dit.

Par exemple, lors de ma toute première expérience en tant que formatrice d’anglais fraîchement diplômée, j’ai rencontré des difficultés à enseigner à des Bac Pro. Je ne me souvenais plus des difficultés que j’avais éprouvées lorsque j’étais moi-même débutante. J’étais atteinte de cette malédiction de la connaissance. 

Les risques de cette malédiction

Le risque premier est de centrer son approche pédagogique sur les expertises plutôt que de la centrer sur les apprenants et leurs capacités d’apprentissage. Notre réflexe serait également de simplifier le contenu. Or selon l’approche, simplifier n’implique pas le même résultat:

Approche centrée sur l’expertise

Approche centrée sur les capacités d’apprentissage

-Simplifier le contenu implique de perdre en richesse et en finesse. Aussi de tronquer le contenu et faire l’impasse sur certaines notions.

Exemple de simplification de contenu : Dans le cadre de mon initiation de photographie HDR, le photographe me conseille d’utiliser un filtre qui fera l’effet HDR et décide de faire l’impasse sur la notion de ‘bracketter’.

-Simplifier le contenu consiste à le rendre plus digeste pour le cerveau, et plus mémorable pour les apprenants.

Exemple : Afin de produire un effet HDR (capture des détails présents dans les zones les plus sombres et les plus claires d’une photo) il s’agit de prendre et de combiner plusieurs images de la même scène pour en extraire les meilleurs éléments. Le photographe simplifie le contenu en le découpant en étapes clés.

Pour un contenu plus digeste

Le tableau ci-dessus donne déjà un aperçu de ce qui peut être réalisé. En nous appuyant sur la neuropédagogie de Sandrine Duverne, nous comprenons que le formateur doit chercher à Stimuler l’encodage profond des informations (enregistrer une information en utilisant une méthode qui permettra de mieux la récupérer). C’est une phase de l’apprentissage qui est dépendante du bon fonctionnement de la mémoire de travail.

Comment stimuler l’encodage profond (selon les travaux de Sandrine Duverne)? :

Éviter la surcharge d’information dès le départ (par exemple le plan détaillé de toute la formation en début de séance).

Réguler les limites de la mémoire de travail des apprenants. Pour rappel, la mémoire de travail est un système cognitif responsable du stockage temporaire et de la manipulation d’information. Elle permet de stocker et manipuler des informations pendant une courte durée (quelques secondes) en vue de les utiliser pour accomplir une tâche comme retenir un numéro de téléphone à composer dans l’immédiat. Elle est puissante pour structurer les informations par contre elle est très limitée sur le nombre d’informations qu’elle peut manipuler : 7 +/- 2 éléments en même temps.

Voici les bonnes pratiques de Sadrine Duverne pour gérer la limite de la mémoire de travail:

  • Identifier les 3 à 5 objectifs pédagogiques ou les 3 à 5 compétences clés à développer dans une formation.
  • Identifier les 3 à 5 situations d’apprentissage à faire expérimenter aux apprenants. 
  • Identifier les 3 à 5 mots clés ou concepts clés que les apprenants doivent absolument retenir dans une section.
  • Identifier les 3 à 5 actions que les apprenants doivent exécuter pour réaliser une activité et atteindre un objectif.
  • Présenter des groupes de 4 informations max (plus ou moins 1 information) dans chaque section et chaque sous-section. 

Hiérarchiser les informations : créer des groupes d’informations en fonction de leur caractère abstrait (objectifs/sous objectifs) ou concret (définitions, activités, expérimentations, outils etc). Chaque groupe inclut une information abstraite et quelques informations concrètes.

En appliquant cette méthode, les apprenants organisent les informations dans leur cerveau (arbre avec ses ramifications ou carte conceptuelle).

Pour conclure

Tout formateur (professeur, enseignant) conscient de cette malédiction des connaissances peut s’en défaire. Il centrera ainsi son approche pédagogique sur ses apprenants et leurs capacités d’apprentissage. Ce faisant, il stimulera un encodage profond des informations transmises et favorisera l’ancrage de leurs apprentissages. Il saura transmettre un contenu dense mémorable en tenant compte des neurosciences dans l’apprentissage. En s’inspirant des 4Cs de Sharon Lee Bowman, de la neuropédagogie et des méthodes Agiles, Educagile oeuvre dans la conception de formations mémorables et engageantes pour nos apprenants.

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