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Les petits pas d’Educagile

Les premiers pas

Voilà maintenant 3 ans que j’expérimente des approches Agile dans le cadre de mes cours et je tenais à partager avec vous cette belle aventure qui a connu ses succès et ses difficultés. Que souhaitais-je à la base? Mettre l’apprenant au coeur de son apprentissage, le rendre acteur à 100%, en continu et ceci dans un climat de confiance, motivant. Ce que je recherchais ? Un travail relationnel qualitatif et solide dans l’atteinte de l’objectif pédagogique. Je souhaitais par-dessus tout qu’ils trouvent du plaisir à apprendre l’anglais.

La première expérimentation remonte à 2018 avec la classe pilote de bac pro Gestion Administration. Avec l’accord des responsables pédagogiques de mon établissement, Guy, expert de l’Agilité et moi-même, formatrice d’anglais, pouvions élargir le champ des approches et innovations pédagogiques. Le public choisi était cependant un défi à relever. Nous avons dû faire face à une résistance au changement de la part de certains. Je reviendrai là-dessus, car tenir compte de leurs peurs fut la clé de l’évolution positive de cette nouvelle approche. Cette résistance, avec du recul, m’a permis de modifier ma posture et de faire évoluer le cadre de travail que je proposais. Accoutumés des cours descendants traditionnels ( cf Approche de Skinner du stimuli-réponse dans l’apprentissage) mes élèves entraient en terre inconnue avec l’approche active qui reposait sur un cadre de travail Agile-SCRUM. Avant tout remontons un an avant ce départ.

La graine qui fera germer Educagile fut la rencontre d’un ancien photographe professionnel cherchant des cours d’anglais et d’une formatrice d’anglais cherchant à se perfectionner dans un de ses passe-temps qu’était la photographie. Nous nous sommes lancés dans un échange de compétences. Guy me présentait le management Agile, le cadre de travail SCRUM, parlait de son rôle, des outils Agile qu’il utilisait dans son métier. J’étais moi-même insatisfaite de mon approche pédagogique malgré les tentatives d’innover dans l’approche et les supports. Les manuels, quant à eux, je les trouvais inadaptés à ma philosophie de l’apprentissage. J’expérimentais, j’y allais à tâtons. Je faisais le bilan de ce qui fonctionnait avec mes élèves et ce qui ne passait pas. J’ai tenté le théâtre, la chanson, les films, les voyages scolaires, les ateliers d’écriture. J’observais que ces projets collectifs, ces ateliers que je proposais ponctuellement, étaient bien reçus par élèves et favorisaient leur engagement. Là où je n’étais pas entièrement satisfaite était dans le fait que ces moments d’engagement ne restaient que ponctuels. Croyez-moi, lorsque Guy me parlait de Scrum, des rituels mis en place, des équipes auto-organisées, autonomes et responsables où l’erreur est autant célébrée que le succès j’ai prononcé EURÊKA !

C’est ainsi qu’avant de poser un nouveau cadre, enseigner autrement dans une posture basse, je me suis formée à SCRUM (ce qui permettrait de comprendre le cadre, les rôles, et surtout l’utilité de ce cadre). Cette formation, validée et financée par mon établissement, m’a permis d’acquérir les bases de ce cadre que je pouvais transposer aussi bien dans ma progression pédagogique que dans mon approche pédagogique. Pour aller plus loin dans ma formation, j’ai dévoré des manuels, regardé des vidéos professionnelles Youtube sur le sujet. J’ai commencé à participer à des ateliers Meetup avec Guy, organisés par des professionnels passionnés et heureux de partager avec d’autres cette passion. A vrai dire j’ouvrais une porte sur un tout autre univers ! Le chemin ne faisait que commencer …

Marshmallow ChallengeNous voilà de retour en 2018. Je fais ma rentrée scolaire différemment des autres rentrées. Je ne suis pas seule face à ma classe. Je suis accompagnée de Guy avec qui je co-anime les 3 premières séances pour présenter l’Agilité, et surtout Scrum, à ma classe pilote. Il y a un échange sur les valeurs, les notions de responsabilité, ce qui les motive, ce que représente l’anglais pour eux, l’importance de communiquer dans cette langue d’un point de vue personnel et professionnel etc. Tout ceci pour établir le contact, se comprendre mutuellement, instaurer un climat de confiance et donner un sens à l’objectif pédagogique et son nouveau cadre. Un fois SCRUM présenté et compris, notre deuxième séance aura pour objectif de créer une cohésion d’équipe d’abord avec le ‘Marshmallow Challenge’ puis le ‘Blason’ en anglais (deux outils puissants de mon point de vue lorsqu’il s’agit de travailler la cohésion d’équipe). À l’issue de cette séance, la classe de bac pro GA avait un nom d’équipe, 4 valeurs communes et une devise. Ce blason sera accroché à chaque cours d’anglais pour rappeler cet esprit d’équipe et revenir sur les valeurs communes si l’une n’était plus respectée. La troisième séance fut le lancement du premier projet en mode SCRUM : créer une entreprise. Bien entendu nous avons adapté ce cadre à nos besoins pédagogiques et au temps alloué pour aborder le programme officiel d’anglais. D’ailleurs, c’est sur quoi Guy et moi avons beaucoup travaillé en amont : atteindre les objectifs pédagogiques dans ce nouveau cadre de travail.

Il est essentiel en début d’année de s’assurer du cadre qui aura été vu et validé par la classe et le formateur (qui se retrouve être un ‘client’ et un ‘coach’). Ce cadre propose à la fois souplesse et discipline. Les rituels ainsi que les cérémonies sont essentiels pour justement répondre aux exigences de communication, transparence, collaboration, d’adaptabilité. Par ailleurs les ‘daily’ et ‘review’ permettent aux équipes de communiquer et ajuster l’avancement du travail en fonction des besoins de chaque membre de l’équipe. La ‘rétrospective’ quant à elle contribue à l’amélioration continue des équipes sur le projet et la langue en ce qui concerne ma matière. Les apprenants apprennent en faisant. Les contenus théoriques pédagogiques ne sont livrés que lorsque les ‘livrables’ ont été rendus ou présentés.

D’ailleurs c’est à ce sujet que la première difficulté a émergé : Certains apprenants, ceux n’ayant pas atteint le niveau prérequis, résistaient à cette approche en arguant ne rien apprendre avec cette approche. Or, en échangeant avec eux, j’ai constaté qu’ils ne faisaient pas, ou n’osaient pas faire, pensant qu’ils n’avaient pas les bases. J’ai donc fait tout un travail sur le droit à l’erreur, faire pour apprendre, et sur le climat de confiance qui allait les mettre en ‘protection’ dans cette expérimentation. Pour également tenir compte de leurs besoins, le changement étant perçu comme radical pour eux, nous avons convenu de faire un point de 15 minutes ensemble sur ce qu’ils avaient appris durant la séance, et de poser cela sur le tableau. J’ai également appris à m’adapter, à essayer de comprendre les résistances.

Une autre difficulté était plutôt d’ordre logistique. Les salles n’étaient pas adaptées au ‘daily stand up’: pas de tableau pour chaque équipe ou pas la possibilité d’accrocher les tableaux (board) de chaque équipe car la peinture résistait elle aussi au post-it, patafix, scotch. Bref, j’ai sorti un Kanban papier en format A3 et les étudiants utilisaient des mini post-it et faisaient le ‘Daily’ assis. Chaque équipe avait son dossier de projet que je ramassais. Il me fallait aussi évaluer le travail collectif et individuel, alors chaque apprenti avait sa pochette de travail individuel en lien avec le projet d’équipe. Je n’avais pas la possibilité de laisser le matériel dans la classe car pas d’endroit pour l’entreposer et de toute manière nous changions régulièrement de salle…je vous laisse imaginer le casse-tête et les contraintes organisationnelles. J’ai pensé que je ne pouvais pas fonctionner ainsi avec 10 classes (de 24 à 36 apprentis). Le distanciel imposé par la crise sanitaire m’a permis de solutionner cet aspect : Trello, Teams et Sharepoint !

professeur agile formateurs agile pédagogie enseignantsJ’ai trouvé une satisfaction dans cette approche avec cette classe. Ainsi devenant plus à l’aise avec SCRUM, je plantais ce cadre de travail dans d’autres cours avec mes apprentis de BTS. J’ai pu mesurer les bienfaits de cette approche en comparaison avec une autre classe de BAC GA que je n’avais pas passé en mode SCRUM. La différence se fait dans le climat de confiance qui est instauré. Celui-ci permet à l’apprenant d’expérimenter, de produire (écrit comme oral) de se tromper sans avoir le sentiment d’être jugé. Tout ce cadre développe la confiance entre eux, entre nous (car le formateur fait partie de l’équipe) et la confiance en eux-mêmes. De manière très objective, la classe pilote a obtenu à l’épreuve oral de bac blanc un moyenne générale supérieure à la classe témoin. Je suis cependant consciente que la mesure n’est pas 100% fiable car nous parlons d’individus et énormément de paramètres sont à prendre en compte dans une moyenne. Je constate juste une plus grande aisance à l’oral et que l’erreur est dédramatisée. Ce cadre permet le droit à l’erreur et la prise de risque ainsi l’apprentissage.

Guy et Laetitia-Educagile

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