Qui aime se tromper ou reconnaître qu’il a tort ? Tout comme beaucoup de mes camarades et de mes élèves, je digérais très mal l’erreur. J’en avais même peur car elle pouvait avoir de lourdes conséquences sur ma dignité de petite fille. Qui se trompait, était généralement raillé dans la classe ! Mon ancien instituteur de campagne, à la retraite depuis fort longtemps, humiliait un élève qui ne connaissait pas sa leçon avec une fessée ou un coup de règle en fer sur les doigts pour qui se trompait. La peur de se tromper, de ce fait d’essayer, est lourde de conséquences dans ce genre d’environnement, car elle bloque tout simplement l’apprentissage.
« Errare humanum est, perseverare diabolicum »
L’erreur, un des moteurs de l’apprentissage
Fort heureusement ce temps est révolu et des études dans le champ des sciences cognitives ont montré que l’erreur était un moteur de l’apprentissage.
Reprenons S.Dehaene, qui dans son ouvrage Apprendre, écrit qu’« il faut essayer, quitte à échouer, car la taille et la direction de l’erreur indiquent comment se corriger. » Selon deux chercheurs américains des années 70s, Rescorla et Wagner, « aucun apprentissage n’est possible en l’absence d’un signal d’erreur. » Dehaene soutient que la surprise, générée par cette erreur, est l’un des moteurs de l’apprentissage. Se fondant sur l’apprentissage par conditionnement avec l’expérience du chien de Pavlov, les chercheurs américains stipulent que dans cet apprentissage béhavioriste le cerveau :
- se forge une prédiction à partir des entrées sensorielles (L’attention).
- il calcule ensuite la différence entre la prédiction et le stimulus réellement obtenu (Engagement actif).
- il corrige ensuite sa représentation interne afin que sa prochaine prédiction soit plus proche de la réalité. (Retour sur erreur).
En somme, selon Deheane, pour apprendre, “le cerveau tente de réduire l’imprévisible en anticipant sur les entrées qu’il reçoit, en ajustant ces prédictions selon la surprise, l’improbabilité, l’erreur associées aux informations qu’il reçoit.” Il va plus loin en expliquant que le réseau de la dopamine répond aux récompenses et anticipe en permanence. Des neurones dopaminergiques déchargent à la différence entre la récompense attendue et celle obtenue, cad l’erreur de prédiction. Ainsi cela permet au système d’apprendre à se critiquer lui-même et d’anticiper l’erreur ou la réussite d’une action sans attendre une sanction de l’extérieur.
Corriger n’est pas punir
Que l’on soit un enfant ou un adulte, pour apprendre le plus efficacement possible, son environnement (parents, école, université, jeu vidéo etc) doit lui fournir le plus rapidement et le plus précisément possible un retour sur erreur. Pour être efficace, ce retour sur erreur indique précisément ce qu’il aurait fallu faire pour ne pas se tromper, plutôt que l’envoi d’un simple ‘juste’ ou ‘faux.’ Ce faisant, l’enseignant enrichit l’information dont dispose l’apprenant pour se corriger. On informe un réseau de neurones des endroits où il s’est trompé plutôt que de le sanctionner. “Fixer clairement le but de l’apprentissage, et permettre aux apprenants de s’en approcher progressivement, sans dramatiser leurs inévitables erreurs sont des facteurs déterminants dans la réussite scolaire.”
Je reviens également sur l’importance du feedback dans l’enseignement et souligne que la note ne se suffit pas à elle-même et qu’un feedback construit permet de conduire à l’amélioration des apprentissages.
Se tester pour mieux apprendre
Quelle est cette recette qui va permettre un retour sur erreur efficace ? Tout d’abord, le prérequis numéro 1 est d’amener l’apprenant à s’engager, tenter une réponse, une hypothèse etc. Ensuite il lui faut recevoir une information objective, non punitive, qui lui permette de se corriger. Quoi de mieux qu’un test ?
De nombreuses publications scientifiques ont d’ailleurs démontré son efficacité. Le fait de tester régulièrement ses connaissances est l’une des stratégies pédagogiques les plus efficaces pour maximiser l’apprentissage à long terme. Il y a les tests, les devoirs sur table, les partiels et les examens. Le rebrassage en début de séance est aussi un bon moyen de tester tout comme la synthèse de fin de séance sur ce qui a été retenu. J’aime également intégrer à mes séances des tests conçus par les apprenants en équipe sous la forme de quiz, de jeu de révision sur Learning Apps par exemple, et de les amener à tester les productions des uns et des autres.
L’autre ingrédient pour favoriser l’apprentissage sur le long terme est d’espacer les périodes d’étude et de tests à intervalles réguliers avec des intervalles de temps de plus en plus espacés. L’espacement des apprentissages augmenterait l’activité cérébrale, en forçant ainsi les circuits sollicités à travailler.
Quel espacement ?
Cela va dépendre de la durée de rétention en mémoire visée :
- Révision tous les jours pour s’en souvenir quelques jours ou quelques semaines.
- Rallonger l’intervalle de révision en proportion pour que les connaissances soient préservées quelques mois ou quelques années : révision 1 = 1 semaine après la leçon, révision 2 au bout d’un mois, révision 3 au bout d’un an etc…
Se tester régulièrement est donc une stratégie d’apprentissage efficace car elle nous permet de prendre conscience de nos erreurs. Par ailleurs, la répétition à travers ces tests automatise nos opérations mentales jusqu’à les rendre inconscientes, le pilier numéro 4 de l’apprentissage de S. Dehaene.