Tombe la neige et votre cours avec
Mercredi 7 février 2018, quelle journée pour les parisiens! Vous souvenez-vous de ces chutes de neige et des 12 cm qui recouvraient la capitale ? C’est un peu l’euphorie, perte de repères totale. Premier conseil lorsque vous êtes prof, formateur, regardez la météo car elle peut ruiner votre cours. Là vous allez devoir être plus intéressant que ces flocons virevoltant, recouvrant le sol et présageant une paralysie des transports.
Comment retenir l’attention de vos apprenants ? C’est le pilier numéro UN de S. Dehaene dans son ouvrage Apprendre. Votre premier défi est de mettre l’esprit de vos apprenants en alerte, sans qu’ils ne se laissent distraire.
L’attention est en effet une des premières conditions pour qu’un élève apprenne. Cette attention se traduit par « un ensemble de mécanismes qui permettent à notre cerveau de sélectionner une information, de l’amplifier, la canaliser et l’approfondir ». Donc si notre élève sélectionne le flocon, ce que nous transmettons est perdu. Il se souviendra plus de la neige tombée que du contenu dispensé à cet instant. Obtenir cette attention, c’est la comprendre. S. Dehaene décompose l’attention en 3 systèmes attentionnels qui sont : l’alerte, l’orientation, et le contrôle exécutif.
L'alerte
L’alerte indique quand faire attention avec la libération de neuromodulateurs (sérotonine, la dopamine). Il faut de ce fait lancer un signal qui va augmenter l’éveil et la vigilance du cortex de notre apprenant. C’est ce mécanisme d’alerte et de récompense que l’on retrouverait dans des jeux vidéo d’action, et qui, selon certains travaux, modulerait les apprentissages. Un professeur qui passionne ses élèves mobilise ce système d’alerte tout comme un livre qui absorbe son lecteur. Donnons donc l’alerte avant que le premier flocon ne tombe !
Pour ma part j’ai quelques petites astuces pour attirer l’attention de mes élèves lorsque je les sens distraits. Par exemple, je change de ton, de posture, j’occupe l’espace de la classe. Je les ramène aussi à moi en levant la main et disant ‘ceux qui sont avec moi lèvent la main.’ Généralement les plus attentifs suivent dans la seconde et les plus distraits, qui n’ont pas tout suivi, finissent par lever la main par imitation demandant pourquoi ils se retrouvent à lever la main.
« Un Mozart, un Ramanujan sont peut-être tellement électrisés par la passion que leur cerveau se voit envahi de modèles mentaux de la musique ou des maths. » S. Dehaene
L'orientation
Une fois l’alerte présente, l’orientation entre en jeu. C’est le filtre du cerveau. « Il signale à quoi faire attention et amplifie tout objet d’intérêt. » Selon S.Dehaene, « bien enseigner ; c’est bien orienter l’attention.» Ainsi le cerveau, dans ce qu’il perçoit va sélectionner ce à quoi il accepte de prêter attention. C’est aussi choisir ce que l’on décide de négliger. Ainsi l’intérêt de ce que mes élèves apprennent ou de ce qu’ils font dans ma classe doit être plus important pour eux que leur retour préoccupant vers le domicile en fin de journée. À moi de les guider vers ce qui est prioritaire dans leur apprentissage.
« L’intérêt seul donne de l’accent et de l’emphase, de la lumière et de l’ombre, un arrière-plan, un premier plan » S. Dehaene
Testez votre mécanisme de l’orientation la vidéo qui suit:
Le contrôle exécutif
Finalement le contrôle exécutif qui est l’aiguilleur du cerveau, décide comment traiter l’information. Ce troisième système attentionnel, pour reprendre la métaphore de S. Dahaene, “pilote, dirige, gouverne, comme un chef de gare qui en orientant l’aiguillage, parvient à mener un train sur la voie désirée. » C’est une phase qui permet à l’apprenant de « choisir un plan d’action, de vérifier s’il est en train de se tromper ou de dévier du but et de corriger aussitôt le tir. » C’est un système qui demande de l’entraînement et qui se développe lentement tout au long de l’enfance et l’adolescence.
Testez votre contrôle exécutif
Nommer sans vous tromper la couleur des mots qui suivent:
Chien maison bien car sofa trop rouge noir vert bleu gris
Attention à l'attention
Pour conclure, enseigner c’est aussi faire attention à l’attention de l’autre.
Nous, êtres humains, sommes dotés de cette capacité à observer et imaginer les pensées des autres. Lorsque quand vous vérifiez que tout le monde a bien compris, vous voyez de grands OUI avec la tête mais sentez la puissance du NON dans leurs regards. C’est ce lien mental fort entre profs et élèves qui définit la véritable relation pédagogique. Elle est saine, se fonde sur l’attention, l’écoute, le respect et la confiance, dans les deux sens.
«Le bon pédagogue se construit un modèle mental de son élève, de ses compétences et de ses erreurs, et il fait de son mieux pour le faire progresser. » S ; Dehaene
